TRANSPLANTATION
HEPATIQUE : L'AUTRE CHEMIN
Autre
regard
Aujourd'hui,
on prend conscience, un peu tard sans doute, qu'au moins 50 % des patients
VIH en Ile de France sont touchés par une hépatite. Là où il faut en moyenne
30 à 40 ans à une personne séronégative au VIH pour développer une cirrhose,
une dizaine d'années suffit chez une personne coinfectée pour la voir
apparaître. Certains souffrent d'une cirrhose qui s'accompagne de nombreux
symptômes graves. L'une des issues qui reste possible est alors la greffe
d'un foie. Mais attention : l'objectif d'une greffe n'est pas de guérir
d'une hépatite. Après la transplantation, le foie remplira de nouveau
ses fonctions, mais le patient restera infecté. L'indication à la greffe
n'est évidemment pas systématique. Une chose est certaine : des patients
jeunes (entre 30 et 40 ans) dont la charge virale VIH est devenue indétectable
sont candidats à la transplantation hépatique, parce qu'ils n'ont pas
répondu favorablement aux traitements actuels des hépatites (interféron
et ribavirine pour l'hépatite C, interféron et lamivudine pour les hépatites
B et D). L'histoire du sida en restera marquée. C'est désormais un autre
regard qu'il faut porter sur l'infection à VIH.
Le don d'organe, c'est quoi
?
En France,
il y a davantage de personnes en attente d'une greffe de foie que de donneurs.
Les greffons disponibles ne couvrent que 55% des besoins. L' attente peut
donc être longue. Mais dans les faits, la greffe dépend de l'état du patient
: des situations d'urgence (atteinte hépatique fulminante, évolution très
rapide d'une cirrhose) sont bien sûr prioritaires par rapport à des cirrhoses
faiblement évolutives.
Le don d'organe
repose sur trois types de prélèvements possibles :
-sur des donneurs vivants apparentés, mariés, ou sous le régime du PACS.
Un prélèvement est effectué, qui constituera le greffon. Parce que le
foie se régénère, le donneur vivant ne subit pas de préjudice. La notion
de donneur vivant chez l'adulte est très importante.
-sur des donneurs décédés : le prélèvement est effectué dans les heures
qui suivent la mort d'une personne.
- Sur des donneurs eux-mêmes en attente de greffe. Souffrant de problèmes
hépatiques occasionnés par une anomalie génétique, ces personnes peuvent
donner leur foie, qui sera greffé sur une personne VHB+ ou VHC+. Mais
l'anomalie génétique est transmise au receveur et elle surviendra dans
un délai d'environ 20 ans. On appelle cette technique 'la Technique du
Domino'.
N'y
a-t-il pas contre-indication entre le VIH et la greffe ?
En 1993,
pendant la Conférence de Consensus sur les indications de la transplantation,
l'infection au VIH sans SIDA était une contre-indication relative à la
greffe, et l'existence d'un sida était une contre-indication absolue.
On se fondait alors sur des expériences menées entre 88 et 90, à un moment
où l'on ne disposait pas d'un arsenal antirétroviral important, ni de
la connaissance actuelle des virus. La survie était nettement plus faible
que chez les patients transplantés séronégatifs au VIH. Des essais présentaient
des résultats défavorables. Les expériences demeuraient donc très décevantes.
Mais les connaissances ont évolué ; le profil immunologique des patients
aussi.
Il redevient possible d'envisager la greffe d'un foie.
Quels
sont les problèmes que l'on rencontre ?
La greffe
du foie est le dernier recours, lorsqu'il est trop tard et que tout a
déjà été entrepris. C'est un acte chirurgical très délicat.
La premiere étape est de poser l'indication de la greffe. Plusieurs
paramètres sont à prendre en compte : une cirrhose qui continue à s'aggraver,
le délai d'attente pour le don d'organe, le profil psychologique, et l'état
général. Proposer une greffe de foie à un patient touché par le VIH, ce
n'est pas facile : Prendre déjà des médicaments depuis de nombreuses années,
connaître la souffrance, et apprendre que le foie est très fatigué… De
nouveaux obstacles se présentent, après plus de dix ans d'efforts thérapeutiques.
Le deuxième problème relève du suivi thérapeutique. C'est d'abord
l'acte chirurgical lui-même. Mais c'est aussi l'impact de l'immunosuppression
volontairement provoquée. Elle est suscitée par les traitements qui empêchent
le rejet du greffon. La personne greffée devra toute sa vie prendre des
médicaments pour empêcher le rejet du greffon. Ces médicaments anti-rejet
sont des médicaments immunosuppresseurs : ils modulent ou affaiblissent
l'activité immunitaire afin que le patient ne rejette pas immunologiquement
ce greffon. Or un patient touché par le VIH a besoin d'être soutenu sur
le plan immunitaire pour échapper aux infections opportunistes et au risque
de lymphome. Il faut donc à la fois maintenir une bonne immunité grâce
à l'activité des antirétroviraux, et préserver le greffon par l'intermédiaire
des immunosuppresseurs. Il faudra enfin surveiller, comme pour toute personne
VIH+, une éventuelle augmentation de la charge virale VIH, une possible
réactivation de la maladie, sans exclure l'apparition éventuelle de VIH
résistants.
Ce qu'il
s'agira dorénavant de contrôler, c'est une double immunosuppression :
celle que l'on organise pour bloquer le rejet du greffon, et celle que
l'on veut éviter parce qu'elle est liée au VIH.
Est-ce
que cela signifie qu'il faut recourir à des dosages de concentration des
antirétroviraux et des médicaments anti-rejet ?
La posologie
de chacun de ces traitements doit être adaptée selon le patient. C'est
essentiel pour supprimer tout risque de toxicité médicamenteuse, ainsi
que des interactions trop importantes entre ces deux traitements. On sait
par exemple que lorsque la trithérapie contient une antiprotéase (Norvir®,
Crixivan®, Viracept®, etc.), de puissantes interférences médicamenteuses
apparaissent. Les antiprotéases inhibent le cytochrome P-450 : si elles
sont surdosées, elles peuvent empêcher l'action des médicaments anti-rejet.
De ce point de vue, les analogues nucléosidiques sont les moins embarrassants.
Après la greffe, peut-on considérer
que le patient est guéri de son hépatite ?
Certains cas récemment rapportés chez des personnes coinfectées
laissent apparaître une gravité particulière de la réinfection par le
VHC après la transplantation. Le traitement rapide par une bithérapie
"interféron +ribavirine" est donc l'hypothèse qu'il va falloir retenir,
si l'on veut que le foie greffé demeure en bon état de fonctionnement.
C'est la même chose avec le VHB : puisque le patient n'a pas développé
d'anticorps spécifique, il doit suivre un traitement préventif de contrôle
du virus hépatique, soit par adéfovir dipivoxil®, soit par injection d'immunoglobulines
spécifiques anti- VHB. C'est dire combien la greffe est un acte lourd
qui ne se décide pas avec insouciance et légèreté.
Etude
de cas : le Centre Hépato-Biliaire de l'hôpital Paul Brousse,
à Villejuif
En
France, 26 équipes sont spécialisées dans la greffe
d'un foie.
Le Centre Hépato-Biliaire (CHB) de Paul Brousse est parmi les plus
réputés. Depuis 1974, 1450 patients ont été
greffés. Un étude va commencer au CHB, sous l'égide
de l'ANRS, pour évaluer la transplantation chez les personnes coinfectées
VIH/VHC. Indépendamment de cette étude, le CHB de Paul Brousse
a déjà réalisé 6 Transplantations chez des malades VIH/VHC
souffrant d'une cirrhose terminale.
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